Plus que tout Lucette a aimé se perdre dans Paris.

Nez au vent, nous partions. Elle, au volant d’une voiture insensée, pleine de poils de chiens, de vaporisateurs à parfum destinés à faire taire Fun et Roxane par une bonne giclée sur la truffe quand, à chaque arrêt, ils hurlaient contre les passants, les voitures, une feuille qui bouge, un marron qui tombe. Lucette casquette à la gavroche, lunettes de soleil et bouche rouge sang, tournait souvent une dizaine de fois autour d’un sens giratoire avant d’oser en sortir, juste pour le plaisir de faire des ronds et de laisser le hasard décider à sa place de la direction.

Cette caravane aboyante aux odeurs de sorcière et de lavande, aux poils collants qui transformaient tout vêtement en manteau de chien, s’est longtemps promenée dans Paris. Tout le long des quais vers l’île Saint-Louis, ses glaces et son café sur l’eau, la place des Victoires, la rue des Petits-Champs, les lieux des origines mais aussi vers la Samaritaine et le Tout-Paris, le boulevard Saint-Germain et la boutique de la CFOC, rue du Faubourg-Saint-Honoré, au café Verlet surtout ou elle faisait provision de sacs à café en grosse toile de jute qu’elle entassait chez elle comme des tapis magiques. Et puis un jour, la tribu itinérante ne s’est plus mise en route.

Mais c’est à l’intérieur de cette maison roulante que Lucette aimait se souvenir.